• On peut se réveiller un matin mort...


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    "Il ne faut écrire qu'au moment où chaque fois que tu trempes ta plume dans l'encre un morceau de ta chair reste dans l'encrier."

    Léon Tolstoï

     


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  • Un homme

     

     

     

     

     

     

     

    C’était un été gris. Il fallait attraper le soleil quand il perçait le ciel, tirer ses rayons jusqu'à soi pour en extraire la lumière.

     

    Il avait dit qu’elle était invitée. Chez sa sœur, avec toute sa famille. Ce serait un barbecue.

    Ils s’étaient réveillés avec le trac, tous deux posés là sur le seuil d’une nouvelle page de leur histoire.

    Elle n’osait y croire vraiment. Il se demandait encore si…

    Mais ils étaient montés en voiture, tous les quatre, ses enfants à lui à l’arrière, elle dans ses petits souliers, lui dans ses pensées.

     

    Ils l’avaient accueillie comme s’ils la connaissaient déjà.

    Il avait insisté, en riant, pour qu’elle se place à table entre lui et Marc. Assise là à côté du chef de famille, elle avait eu du mal à se sentir à l’aise. Elle se disait que lui aussi peut-être, ne savait pas trop comment se conduire avec cette nouvelle-venue que lui amenait son beau-frère.

    L’homme ne lui parlait pas, mais lui servait du vin. Elle l’observait du coin de l’œil pendant qu’il jetait le sien sur son téléphone à intervalles réguliers, suivant peut-être le foot. Elle avait alors pensé à son père qui se laissait souvent distraire par les sirènes  virtuelles quand le bouillonnement familial était trop vif.

    Marc se levait de table et surveillait la viande, qu’il servit tendre et relevée. Tout le monde se régalait, il racontait son boucher qui avait du savoir-faire, lançait quelques boutades, et sa femme se froissait pour la forme.

     

    Le dos chauffé par le soleil, le corps détendu  par la générosité du repas, son âme à elle se réchauffait aux rires de cette famille de bonne humeur.

     

    Marc houspillait ses fils assis à l’autre bout de la table. Ils se laissaient faire, lui lançant à la dérobade des regards agacés. Son homme à elle taquinait Marc avec ses bons mots, et une joute verbale fraternelle s’était engagée. Marc souriait, et les yeux de son homme pétillaient.  

     

    Le soleil avait tenu bon. Les langues se déliaient dans la douceur du soir. Les cousines sautaient sur le trampoline. On charriait Marc qui avait besoin d’une sieste, et le bébé dormait dans la poussette à ses côtés.  On se levait de table, on étirait ses membres, on discutait.

     

    C’était un été gris mais ce jour-là, il avait pris des teintes irisées. Le bleu avait grignoté le ciel toute la journée, et le soleil brillait pour toujours sur cette journée.

     

    12 février 2016

     

     


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  • Où coule une montagne douce sous un ciel de feu

    Les maisons se rapprochent dans le repli des rues

    Ici les animaux traversent la chaussée

    Vous obligent à freiner le temps d’un grand coup de pied

    Il y a des gens qui s’entre-vivent, soudés de petits riens

    Et de grands touts qui n’appartiennent qu’à eux, une vie dans le froid de l’hiver,

    Rugueuse et douce à la fois, une vie dans la chaleur du poêle à bois.

     

    décembre 2015

     

     


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  •  Elastique

     

     

     

     

    Moteur ? Démarré. Volant ? Agrippé.  Sourire ? Forcé.

    C’était toujours au moment d’appareiller que ça lui revenait : des années plus tôt la coupe bien nette à la racine, délogée de ses terres rases et brunes puis rempotée en pleine montagne, finalement débarquée avec méthode chaque été sur les mêmes sables brûlants. 

    Tiraillée écartelée par tant de forces contraires, les élastiques la disloquaient de toute part.

     

    Dis, maman, c’est quand qu’on sait où on habite ?

     

    Prenez une logette charmante mais tout aussi étroite, serrez-y des sœurs des mères et autres grands-mères, et c’était quatre générations qui s’entredévoraient allègrement au rythme des marées… vague d’affection extravagante, ressac d’amour et d’exaspération, houle de mots lourds et de silences assourdissants.

    Trente jours de gros temps sous le soleil incendiaire.

     

    Dis, maman, c’est quand on est quitte ?

     

    C’était à chaque fois la même chose…

    Il suffisait d’enfiler la clef dans le contact et c’était tout son cœur à corps qui perdait les pédales, le pouls sur l’accélérateur et le moral bien calé sur le frein elle la sentait venir encore une fois la Grande Vibration du Grand Désespoir, l’Affreuse Angoisse de Séparation que nul mamamouchi sorti de la première charmotte venue n’avait jamais réussi à lui faire pschwittt ! disparaître...

     

    Dis, maman, je suis en kit ?

     

    Non, elle n’allait pas refaire le coup du allô maman bobo ou du si maman si…Les places étaient déjà prises, elle ne voulait pas plagier, fallait trouver mieux ou juste s’asseoir sur son séant et céder le passage aux pleurs de cette petite fille  têtue qui lui boxait les entrailles à grands coup de solitude.

    De malepeur et de  mal en pis, ça barderait pour elle encore moult kilomètres, inutile de se raconter des salades.

     

    Dis, maman, quand est-ce que je te quitte ?

     

    Quand on nait nantie de tout ce fourbi de sentiments plus ou moins réglos, à quarante balais, faut assumer.

    Ça en faisait des trucs et des bidules à caser dans tous les coins, comme des chaînes et des cadenas un peu partout,  pieds et poings liés en quelque sorte, mais bon,  les verrous avaient du jeu, et elle voyait clair dedans, elle l’avait encore conséquent, son  jugement.

    Elle allait conduire  sa carcasse sur le chemin du retour et croquer dans le gâteau que maman lui avait glissé en douce dans son sac. Comme on mord à pleines dents dans la vie. Enfin.

    Il lui restait pas mal de péripéties à consumer.

    Il lui avait fallu attendre la tombée de ses jours pour s’en rendre compte. C’était une femme crépusculaire. 

    Les rayons du soleil s’étiraient comme des élastiques, elle était prête pour la suite. 

    septembre 2015

     

     

     

     

     

     

     

     


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