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Par Muse Thalie le 13 Février 2017 à 17:56
"Il faut encore avoir du chaos en soi pour enfanter une étoile qui danse."
Friedrich Nietzshe
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Par Muse Thalie le 12 Février 2017 à 23:10
"Je partage ton mystère mais je ne veux pas connaître ton secret..."
René Char
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Par Muse Thalie le 9 Février 2017 à 23:46
Ça fait si longtemps que je suis enfermée chez moi.
J’ai déjà tant vécu.
Un brasier dévore le grand froid dans ma poitrine.
Je suis une vieille femme et je vais mourir. A quoi bon m’en plaindre.
Quand ma grand-mère est morte, j’ai eu tant de chagrin. Je me sentais dépouillée de mon âme. Elle était si vivifiante du haut de ses 95 ans. Quand je me levais le matin je pensais souvent à ces gestes qu’elle avait accomplis chaque jour de sa propre vie, cette si grande capacité à s’assumer seule jusqu’à son dernier moment. Le pouvoir saisissant de ne jamais rien vouloir imposer à l’autre de sa vieillesse.
Tant d’indépendance, d’autonomie, de dignité. Tant d’abnégation.
« Qu’est-ce que tu veux ma petite fille, c’est comme ça ! »
Faire des concessions avec la déliquescence quand l’âge avance. Marcher, s’arranger avec la décrépitude pour n’en laisser rien paraître, rire de son mal aux reins ou des élans qui la menaient vers les toilettes.
L’ambulance roule calmement. Je l’ai expressément demandé au chauffeur. Il n’a pas eu l’air étonné, et c’était bien comme ça. Pas de tintamarre ni de lumière bleue. C’est bon pour ceux qui veulent rattraper la vie de toute urgence. Moi j’ai tout mon temps à offrir à la mort, et elle m’attend. Elle fait bien, j’arrive.
Ça fait si longtemps que je suis enfermée chez moi. Alors je profite du paysage, enfin, du filet de ciel bleu que les vitres brouillées du véhicule me laissent entrevoir.
Je connais la route par cœur. Je ferme les yeux et je suis dans la voiture de mon père. Il conduit, ma mère se tait, ma sœur dort à côté de moi. L’atmosphère dans l’habitacle est lourde des regrets de fin de week-end. C’est dimanche. Nous revenons de chez ma grand-mère. J’aménage la transition qui nous fait passer d’un monde à l’autre en essayant de deviner où nous sommes, les yeux clos…je connais les virages et les feux par cœur, mais ça ne suffit pas à arrêter le temps.
Pourtant, dans quelques heures, il s’arrêtera.
Depuis mon hameau dépeuplé nous suivons les courbes de mes montagnes arides, une légère nausée m’envahit. Puis vient l’autoroute, le ralentissement au péage. Mon chauffeur sur le volant a des gestes souples qui me bercent. Il prend la route du littoral, je perçois la courbure de la mer aux mouvements de mon corps sur la couchette. Les rayons du soleil percutent l’eau sombre et me frôlent. J’ai enfin chaud.
Nous passons près de la dune de sable fin où si souvent j’emmenais mon fils courir et s’essouffler.
Je sais qu’il chemine vers moi de son côté et j’aménage la transition qui nous fera passer d’un monde à l’autre, lui et moi.
février 2017
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Par Muse Thalie le 6 Février 2017 à 23:31
On se connaissait à peine.
Il regardait le plafond de sa cuisine.
- « Est-ce que …tu…, enfin, tu as peut-être une …manière particulière de prendre ta douche ? »
La question avait du mal à sortir. Je voyais bien qu’il fallait qu’il me la pose, et qu’en parallèle il entrevoyait l’incongruité de sa question.
Il parlait avec tant de douceur que j’avais envie de le prendre dans mes bras. Je me sentais attendrie de son trouble, et en même temps je me demandais bien où il voulait en venir.
Je pensais : « Mais oui absolument, je me lave sur le tapis de bain, puis avec mon verre à dents je remets toute l’eau dans le bac à douche. » Mais je ne le dis pas. Je répondis simplement que je prenais ma douche normalement.
- « Ah, la douche doit être cassée alors … »
Voilà, c’était simplement cela. Et il s’excusa de m’avoir posé la question.
On se connaissait si peu.
Il n'y avait que quelques jours que tu me faisais partager ton univers.
Dans le théâtre de ta maison je m’émerveillais de tes gestes simples que mon émoi rehaussait de cerne noir. Ta chorégraphie lente du quotidien nourrissait ma tendresse et me restait longtemps en mémoire, jusqu’à ce que, débordée, je les couche sur le papier.
Tes yeux profonds se posaient sur moi par-dessus la table avec une lueur d’étonnement. Tes yeux disaient tellement ce que tu ne disais pas, la tendresse, la tempérance, l’amour, sûrement.
On se connaissait depuis trois jours.
J’entrais dans ta maison comme une invitée, sur la pointe des pieds.
J’entrais dans ta chambre comme une hôte qui n’ose pas toucher.
J’entrais dans ton monde avec un infini respect.
C’est l’heure aujourd’hui après ce week-end où nous nous sommes griffés de me révolter contre ce temps qui fait de nous des habitués. Contre ces mots qui m’ont désertée.
On se connaissait à peine mais au fond cela a-t-il réellement changé ?
Ce soir je ressens la nécessité de réaliser que je ne te connais pas, que nos douleurs et nos incommunicabilités naissent de cette part d’inconnu en toi, en moi.
J’imagine que, comme des invités, des hôtes, nous pourrions avoir à cœur toi et moi, d’entrer avec respect dans nos maisons un peu éprouvées, de nous considérer, au seuil de nos bicoques cabossées, devant des univers à découvrir, dont les tenant et les aboutissants nous échapperont souvent…Nous pourrions avoir à cœur, finalement, de faire comme si, de faire semblant, de nous connaître si peu, depuis trois jours à peine…
Les peines sont grandes et les bonheurs si petits…faisons comme si...
février 2017
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Par Muse Thalie le 30 Mai 2016 à 22:28
L’eau s’échappait de la gouttière. Il pleuvait depuis des heures. Des jours. Enfin c’était une manière de parler. Ils avaient quand même pris le petit déjeuner dehors ce matin-là et ses deux ados avaient résolument décidé de rire à la place du ciel .
Des rigoles pâteuses s’écoulaient devant la porte du jardin. La boue était sombre et collante, elle charriait les feuilles vertes débitées par la grêle et les pétales de lilas délavés comme des ailes de papillons trempées.
Mais rien à voir avec là-bas. Là-bas la pluie ne s’arrêtait pas pendant des jours, et n’y voyez pas une manière de parler.
Elle s’abattait sur vous un après-midi orageux et ne vous quittait plus d’une goutte. Elle s’installait, se coulait en vous jusqu’aux os, telle une sangsue collée à votre peau pour vous dépouiller de vos forces, vous purger le moral…
Et puis, ça s’arrêtait. Comme ça, va savoir pourquoi…L’horizon s’ouvrait à nouveau d’un seul coup, le soleil s’éparpillait dans les flaques en vous aveuglant.
Restait le sable lourd, mouvant, vos quelques habits collant à la peau et le campement détruit. Il fallait une fois de plus se serrer les coudes et rebâtir votre toit, si bien entendu entre temps l’esprit du clan, malmené par les caprices du climat, ne s’était pas totalement dissous dans les flots.
Et pendant ce temps, ça tournait. Pas de clap de fin, pas de pause « intempéries », les techniciens et les machines emmaillotés dans des grands cirés filmaient inlassablement l’équipe en perdition, sous la lune pâle, sous le déluge froid, sous les mots durs parfois entre eux.
Elle se savait différente. Souffrait-elle de ses muscles saillants de sportive de haut niveau, de la solitude infinie que chevillait au corps des années à poursuivre une vaine célébrité ? Sans doute, oui, peut-être, non… comment savoir, quand c’est là tout ce que vous avez toujours vécu ?
L’homme était venu un soir chez elle pour acheter des pneus.
Rien à voir avec la popularité, donc, juste une histoire de hasard.
Elle avait senti la curiosité dans son regard. Elle lui avait proposé un thé, qu’ils avaient pris sur le canapé blanc, l’un à côté de l’autre.
Il parlait de fleur des bois, d’arbres plein de fruits, ses mots racontaient une autre vie, où vibrait encore l’émotion d’un deuil récent et les palpitations de projets heureux et terriens.
Ça lui avait fait du bien, cette absence d’intérêt pour son passé de pseudo-vedette, elle pouvait se sentir elle-même, quelques instants.
Alors elle avait écouté cet homme, plusieurs fois, toujours une tasse de thé à la main, sur ce canapé, elle avait bu ces mots bienveillants et chauds comme un écheveau d’écharpes autour du cou, comme des bras d’homme, ces bras qui n’étaient pas disponibles pour elle seule, tant ils étaient tellement mariés…Elle prenait peut-être sa part de mots à une autre qui sans doute se faisait du souci pour lui quelque part, mais … comment s’en vouloir, quand c’est là tout ce que vous avez toujours vécu ?
La dernière feuille passa devant la porte du jardin. Elle soupira en même temps que le dernier coup de vent, essuya ses yeux puis ses mains sur le tablier blanc : il était temps d’oublier, les enfants allaient rentrer.
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