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Par Muse Thalie le 5 Avril 2014 à 00:32
Elle ne m’avait pas décroché un regard.
Elle ne m’avait pas décroché un regard et elle avait les cheveux sales, comme quand on s’en fout, de tout, quand il n’y a plus rien qui compte que les idées fixes et les sentiments lourds qui collent aux dents serrées dans la bouche.
Elle avait les cheveux sales et les doigts volubiles, scorpions sur l’écran tactile. Les mots convulsés se hâtaient, virés d’un coup de pouce vers un spectre que j’aurais bien démonté d’un coup de boule.
Finalement, qu’est-ce que ça pouvait me faire au juste ?
Je fixais un point au hasard.
Je fixais un point au hasard et je faisais semblant. Ce livre, je ne le lisais pas, cette vie je ne l’existais pas. Et ce flot d’envies que je ne laissais jamais jaillir. Comme un volcan enfoui sous les eaux je me consumais de l’intérieur.
Je faisais semblant et je ne sais même plus où j’allais. De toute façon je n’allais jamais vraiment nulle part. Le froid dans les oreilles malgré la capuche rabattue, j’étais assis là sur ce banc, derrière tous les autres et tous les autres à côté.
Finalement, qu’est-ce que ça pouvait leur faire au juste ?
Ils attendaient.
Ils attendaient et ils pensaient à leur journée. A ces heures à tirer avant le canapé, la soupe, la télé.
Ils pensaient à leur journée et bruissaient comme des jouets. Sous la lumière artificielle des pantins désarticulés de leur vie, des enfants désenchantés prisonniers d’un chœur accablé.
Finalement le métro nous avait fauché eux, elle et moi, le souffle dans mes oreilles je me souviens, ça faisait plus de bruit que les tempêtes de mon océan natal.
Et j’étais ravagé.
avril 2014
2 commentaires -
Par Muse Thalie le 28 Mars 2014 à 22:31
Tomber les yeux clos sur l’épaisseur de la couette, de tout mon poids.
L’anneau d’or trébuche sur la table de nuit, virevolte tel une toupie. J’ai le vertige…
Ouvrir les yeux sur la lucarne.
Le chat…Il piétine, le long de mon flanc, le moelleux d’un coussin, tapissant d’imaginaires herbages.
Selon un rituel qu’il porte en son instinct fauve, il finit par se rouler en boule, avant de fermer ses yeux lunaires… Alors je l’entends, ce moteur zen qui monte de son corps, bourdonnement hypnotique qui dévie mes angoisses si souvent.
Eteinte, la lumière ; rester dans la pâleur douce d’un rayon de lune. Ne pas faire fuir le chat.
Clore les portes et les fenêtres, fermer le couvercle sur le songe. Enveloppée de pénombre, garder intactes les sensations, les images, juste regarder à l’intérieur le film de la soirée, la chaleur du chat comme un baluchon rassurant.
…"Elles sont parfaites. Maquillées, habillées pour être vues. Font savamment mine d’ignorer les regards posés sur leur hardiesse. Autour, des êtres achevés exhibent leur virilité. Les muscles bandés, la peau lustrée. Sûrs d’eux.
Je cherche derrière le lisse, le parfait, l’absolu masculin. Je scrute les crânes presque nus, les nuques nerveuses et les épaules larges.
Mon regard glisse, rien ne l’accroche. Pourquoi ? Cette question lancinante…et l’anneau sur la table qui me brille en coin…
Et puis soudain je sais… je sais ce que je ne peux trouver…Où se cache la fêlure, celle qu’on surprend dans un regard perdu, qui se livre d’un sourire trop lointain, adressé dans une rêverie de passage à un passé intime…. Il n’y a qu’elle qui me convainc. La fêlure, toujours : la chaleur animale qui persuade mon âme qu’être humain est encore possible.
Et je me dis…Au-dessus de nos failles nous construirons des ponts, nous serons en lien. Nous conjuguerons nos douleurs félines, dociles et insoumises. Tu lècheras mes plaies et je panserai les tiennes, nous serons à l’abri de l’imposture."
J’ouvre les yeux : la lucarne, elle baille à toute envergure. Ai-je rêvé longtemps ?... Le chat…
Ma peau fourmille encore de sa chaleur. Mais plus de mécanique bien huilée à mes côtés. Dehors, un moteur exaspéré crisse et s’enfuit.
Je m’agrippe aux quelques sensations qui affleurent encore…Les chimères se sont fait la malle par la lucarne entrouverte. Le chat leur a ouvert la voie.
L’histoire que je rêve n’habitera jamais que des châteaux en Espagne : le désir toujours finit par se coltiner la réalité.
Je le sais parce que le chat me l’a ronronné à l’oreille.
Juste avant qu’il ne disparaisse avec mon anneau doré.
août 2012
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Par Muse Thalie le 24 Mars 2014 à 23:40
Elle a saisi les deux poignées et l'a refermé
fermement
Elle s'est envolée vers d'autres projets mais il l'a rattrapé
prestement
Le vide derrière les portes closes le noir
les habitudes
Un coup dans l'aile, un coup au cœur, un poignard
la certitude
Trop tard trop de renoncements trop de rien
pas de nostalgie
Défroisser déployer les ailes, enfin,
agir...
Ne t'en remets plus au hasard :
il est grand temps de sceller les portes du placard.
août 2009
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Par Muse Thalie le 22 Mars 2014 à 00:54
Nous avions terminé de les émonder. Elles luisaient dans la lumière jaune de la pièce.
J’avais regardé le creux des mains épaisses écraser les fruits durs. Je croquai un fruit nu et ça recommençait :
L’odeur de la peau ruisselait entre mes lèvres. C’était de plus en plus fréquent, ces crises uncinées qui accrochaient son corps au goût des aliments.
« Le passé n’existe pas !» il a dit en les ramassant.
C’en était jeté comme les amandes dans le bol.
Fixer le passé, pourquoi ? Il voulait ficher l’instant entre nous, l’ancrer à jamais dans la seule Sébastopol que nous construirions jamais, et y débarquer le bonheur à grande et petite dose, y ouvrir des sacs et des sacs d’amandes, émonder les fruits comme il défait mes regrets et nos lits…
Hopper nous prêtait sa lumière : l’un en face de l’autre nous étions le monde même. Une orgueilleuse idée que celle-ci, tient ! Je n’étais pas dupe de ma banalité. Mais je m’accordais cet orgueil-là.
Il a pris le bol et arrimé sa langue à la mienne. C’était l’heure aigre-douce des naufragés bienheureux : ce soir nous dormirions sous le même toit.
janvier 2014
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Par Muse Thalie le 22 Mars 2014 à 00:33
Déjouer les pièges je ne suis pas tombée, avaler ma langue je n’ai pas parlé,vider mon désir je n'ai pas touché, isoler l’ivresse je n'ai pas respiré, décaper ma hardiesse je n’ai rien volé
Juste…Juste entrelacée de douleur, sciée
Si tu es toi, c’est à cause de l’autre, toi,
Ces morceaux de moi
Là, là, dissimulés évincés ramassés suppliciés
Striés de douleur, vifs sur leur bûcher
Révélés, enfin,
Mais vains après toi, vains…
Juste …Juste emmêlée d’équivoques, annulée
Si je suis moi, c’est à cause de l’autre toi
Ces morceaux de toi
En moi écrasés renversés mélangés embrouillés
Hachurés de fard, déguisés
Démasqués, enfin,
Mais veufs sans toi, veufs…
2012
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