• ChapardeurTomber les yeux clos sur l’épaisseur de la couette, de tout mon poids.

    L’anneau d’or trébuche sur la table de nuit, virevolte tel une toupie.  J’ai le vertige…

    Ouvrir les yeux sur la lucarne.

    Le chat…Il piétine, le long de mon flanc, le moelleux d’un coussin, tapissant d’imaginaires herbages.

    Selon un rituel qu’il porte en son instinct fauve, il finit par se rouler en boule, avant de fermer ses yeux lunaires… Alors je l’entends, ce moteur zen qui monte de son corps,  bourdonnement hypnotique qui dévie mes angoisses si souvent.

    Eteinte, la lumière ;  rester dans la pâleur douce d’un rayon de lune.  Ne pas faire fuir le chat.

    Clore les portes et les fenêtres, fermer le couvercle sur le songe. Enveloppée de pénombre, garder intactes les sensations, les images, juste regarder à l’intérieur le film de la soirée, la chaleur du chat comme un baluchon rassurant.

     

    …"Elles sont parfaites. Maquillées, habillées pour être vues. Font savamment mine d’ignorer les regards posés sur leur hardiesse. Autour, des êtres achevés exhibent leur virilité. Les muscles bandés, la peau lustrée. Sûrs d’eux.

    Je cherche derrière le lisse, le parfait, l’absolu masculin. Je scrute les crânes presque nus,  les nuques nerveuses et les épaules larges.

    Mon regard glisse, rien ne l’accroche. Pourquoi ? Cette question lancinante…et l’anneau sur la table qui me brille en coin…

    Et puis soudain je sais… je sais ce que je ne peux trouver…Où se cache la fêlure, celle  qu’on surprend dans un regard perdu, qui se livre  d’un sourire trop lointain, adressé dans une rêverie de passage à un passé intime…. Il n’y a qu’elle qui me convainc. La fêlure, toujours : la chaleur animale qui persuade mon âme qu’être humain est encore possible.

     Et je me dis…Au-dessus de nos failles nous construirons des ponts, nous serons en lien. Nous conjuguerons nos douleurs félines, dociles et insoumises. Tu lècheras mes plaies et je panserai les tiennes, nous serons à l’abri de l’imposture."

     

    J’ouvre les yeux : la lucarne, elle baille à toute envergure. Ai-je rêvé longtemps ?... Le chat…

    Ma peau fourmille encore de sa chaleur. Mais plus de mécanique bien huilée à mes côtés. Dehors, un moteur exaspéré crisse et s’enfuit. 

    Je m’agrippe aux quelques sensations qui affleurent encore…Les chimères se sont fait la malle par la lucarne entrouverte. Le chat leur a ouvert la voie.

    L’histoire que je rêve n’habitera jamais que des châteaux en Espagne : le désir toujours finit par se coltiner  la réalité.

    Je le sais parce que le chat me l’a ronronné à l’oreille.

    Juste avant qu’il ne disparaisse avec mon anneau doré.

     

    août 2012


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    Elle a saisi les deux poignées et l'a refermé
    fermement
    Elle s'est envolée vers d'autres projets mais il l'a rattrapé
    prestement
     

    Le vide derrière les portes closes le noir
    les habitudes
    Un coup dans l'aile, un coup au cœur, un poignard
    la certitude

    Trop tard trop de renoncements trop de rien
    pas de nostalgie
    Défroisser déployer les ailes, enfin,
    agir...


    Ne t'en remets plus au hasard :
    il est grand temps de sceller les portes du placard.

     

    août 2009


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  • Nous avions terminé de les émonder. Elles luisaient dans la lumière jaune de la pièce.

    J’avais regardé le creux des mains épaisses écraser les fruits durs. Je croquai un fruit nu et ça recommençait :

    L’odeur de la peau ruisselait entre mes lèvres. C’était de plus en plus fréquent, ces crises uncinées qui accrochaient son corps au goût des aliments.

    « Le passé n’existe pas !» il a dit en les ramassant.

    C’en était jeté comme les amandes dans le bol.

    Fixer le passé, pourquoi ? Il voulait ficher l’instant entre nous, l’ancrer à jamais dans la seule Sébastopol que nous construirions jamais, et y débarquer le bonheur à grande et petite dose, y ouvrir des sacs et des sacs d’amandes, émonder les fruits comme il défait mes regrets et nos lits…

    Hopper nous prêtait sa lumière : l’un en face de l’autre nous étions le monde même. Une orgueilleuse idée que celle-ci, tient ! Je n’étais pas dupe de ma banalité. Mais je m’accordais cet orgueil-là.

     

    Il a pris le bol et arrimé sa langue à la mienne. C’était l’heure aigre-douce des naufragés bienheureux : ce soir nous dormirions sous le même toit.

     

    janvier 2014


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    Déjouer les pièges je ne suis pas tombée, avaler ma langue je n’ai pas parlé,vider mon désir je n'ai pas touché, isoler l’ivresse je n'ai pas respiré, décaper ma hardiesse je n’ai rien volé

     

    Juste…Juste entrelacée de douleur, sciée

    Si tu es toi, c’est à cause de l’autre,  toi,

    Ces  morceaux de moi

    Là, là, dissimulés évincés ramassés suppliciés

    Striés de douleur, vifs sur leur bûcher

    Révélés, enfin,

    Mais vains après toi, vains…

     

    Juste …Juste emmêlée d’équivoques, annulée

    Si je suis moi, c’est à cause de l’autre toi

    Ces morceaux de toi

    En moi écrasés renversés mélangés embrouillés

    Hachurés de fard, déguisés

    Démasqués, enfin,

    Mais veufs sans toi, veufs…

     

     

    2012

     

     

     


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            Et même si le déluge poisse sur les planches  de mes prisons trop lisses, je sais la lucarne qui bave un pâle rayon laiteux : elle me promet la lune et tous ses sortilèges.

    Alors je me plante là au pied du mur, le cou tordu, je suis un chat à l’affût de l’oiseau rare, ou un clou tordu, qui voit le ciel à la faveur de sa tare…


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